Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas

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Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas
Frédéric Bastiat

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Commentaires

#1

à première vue, il est très intéressant, et complémentaire de Jacques Lemaire.

Dès le début, je suis séduit par sa description de ce qu'on ne voit pas.

En lisant "I. La vitre cassée", je pense tout de suite au faux débat sur les dépenses de santé du genre: les fumeurs (les malades, etc.) rapportent à l'économie parce qu'ils font vivre toute une industrie de santé (infirmiers, médecins, hôpitaux, etc...) Ce genre d'argument me gênait toujours, cela me semblait faux mais je ne savais jamais quoi répondre. Maintenant, je comprends tout à fait là où est la faute de logique et je saurais comment répondre.

#2

J'adore son humour:

De grâce, Messieurs, respectez au moins l'arithmétique et ne venez pas dire, devant l'Assemblée nationale de France, de peur qu'à sa honte elle ne vous approuve, qu'une addition donne une somme différente, selon qu'on la fait de haut en bas ou de bas en haut.

et aussi:

Bon Dieu! que de peine à prouver, en économie politique, que deux et deux font quatre; et, si vous y parvenez, on s'écrie : « c'est si clair, que c'en est ennuyeux. » — Puis on vote comme si vous n'aviez rien prouvé du tout.

(III. les impôts)

#3

cependant, une première petite critique: il part du principe que l'économie fonctionne en vase clos (milieu fermé). C'était peut-être le cas à l'époque, mais cela ne l'est plus aujourd'hui, avec l'économie globale, les multi-nationales, etc.

Donc, il ne peut pas vraiment dire, comme il l'affirme, qu'un sous qui n'est pas imposé, est un sous qui sera dépensé localement pour des services divers.

Si on n'impose pas un certain pourcentage des milliards des plus grandes fortunes, cela ne veut pas dire que les milliardaires vont dépenser cet argent et la remettre dans le flot de l'économie française.

À part ça, l'argument est intéressant et tient la route.

#4

Il est évident que c'est un libéral, au sens de maintenir les libertés individuelles (y compris les libertés économiques) et diminuer l'influence de l'État là où elle n'est pas utile.

Pendant un moment, j'ai eu peur qu'il soit un libéral au sens américain (libertarian, ou républicain d'extrême droite): ceux-ci veulent réduire la taille du gouvernement à tout prix, au point de pouvoir le noyer dans une baignoire!

Mais non, partout il semble être d'accord que si l'État offre un service légitime qui a une valeur certaine pour les contribuables ("service publique"), alors la raison d'être de l'État et des impôts qui lui permette d'opérer sont justifiés.

Au total, il semble être (ultra) libéral au même titre que je le suis.

#5

V. Travaux publics

Encore une fois, j'avais commencé à m'inquiéter en lisant le chapitre 5. Il parle de la constitution:

Le sophisme que je combats dans cet écrit est d'autant plus dangereux, appliqué aux travaux publics, qu'il sert à justifier les entreprises et les prodigalités les plus folles. Quand un chemin de fer ou un pont ont une utilité réelle, il suffit d'invoquer cette utilité. Mais si on ne le peut, que fait-on? On a recours à cette mystification: « Il faut procurer de l'ouvrage aux ouvriers. »

Cela dit, on ordonne de faire et de défaire les terrasses du Champ de Mars. Le grand Napoléon, on le sait, croyait faire œuvre philanthropique en faisant creuser et combler des fossés. Il disait aussi: « Qu'importe le résultat? Il ne faut voir que la richesse répandue parmi les classes laborieuses. »

(...)

Il y a un article de la Constitution qui porte:

« La société favorise et encourage le développement du travail... par l'établissement par l'État, les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés. »

étant donné ce qui précède, je croyais qu'il allais en faire une critique toute plate. Je ne pouvais m'empêcher de comparer à la situation actuelle aux États-Unis où les républicains encombrés de la Tea Party dénonce de façon catégorique le Keynesianisme.

Mais non, Bastiat reste modéré:

Comme mesure temporaire, dans un temps de crise, pendant un hiver rigoureux, cette intervention du contribuable peut avoir de bons effets. Elle agit dans le même sens que les assurances. Elle n'ajoute rien au travail ni au salaire, mais elle prend du travail et des salaires sur les temps ordinaires pour en doter, avec perte il est vrai, des époques difficiles.
Comme mesure permanente, générale, systématique, ce n'est autre chose qu'une mystification ruineuse, une impossibilité, une contradiction qui montre un peu de travail stimulé qu'on voit, et cache beaucoup de travail empêché qu'on ne voit pas.

Donc son analyse laisse la porte ouverte au keynesianisme par temps de crise...

#6

J'ai l'impression que Bastiat est un libéral et que Jacques Lemaire offre les moyens de créer une société vraiment libérale, au bon sens du terme.

#7

VI. Les Intermédiaires

La société est l'ensemble des services que les hommes se rendent forcément ou volontairement les uns aux autres, c'est-à-dire des services publics et des services privés.

Les premiers, imposés et réglementés par la loi, qu'il n'est pas toujours aisé de changer quand il le faudrait, peuvent survivre longtemps, avec elle, à leur propre utilité, et conserver encore le nom de services publics, même quand ils ne sont plus des services du tout, même quand ils ne sont plus que de publiques vexations.

Le problème, tel que formulé, est réel. J'ai une réponse/solution (partielle) à celui-ci. Il faut que chaque loi soit précédée de l'objectif avoué de cette loi. Ainsi, n'importe quel citoyen aurait le droit de contester partiellement ou totalement l'application de la dite loi quand elle cesse ou dans les situations où elle cesse d'atteindre (ou d'aller dans la direction des) objectifs avérés (et incluse en introduction à chaque loi).

Il y aurait ainsi un garde-fou contre les lois qui ont survécu leur utilité.

#8

Dans le même chapitre, l'argumentation semble parfois simpliste. On a besoin d'intermédiaires, soit! Bastiat semble dire que l'intermédiaire privé sera forcement meilleur (délivrera un meilleur service à un meilleur prix) que l'intermédiaire publique. En théorie, je veux bien être d'accord, mais en pratique, on a vu tellement de multinationales complètement se jouer des consommateurs en leur faisant payer cher des services nuls (par ex. tabac: voir article conspirateurs du tabac). Il faut vraiment voir au cas par cas, étudier le problème. Je ne m'oppose certainement pas au pouvoir de l'État en temps que régulateur. Il faut voir chaque situation. Je ne suis pas ici prêt à faire une déclaration à l'emporte-tout, sans nuances.

#9

Le blé arrivé, le commerce a intérêt à le vendre au plus tôt pour éteindre ses risques, à réaliser ses fonds et recommencer s'il y a lieu. Dirigé par la comparaison des prix, il distribue les aliments sur toute la surface du pays, en commençant toujours par le point le plus cher, c'est-à-dire où le besoin se fait le plus sentir. Il n'est donc pas possible d'imaginer une organisation mieux calculée dans l'intérêt de ceux qui ont faim, et la beauté de cette organisation, inaperçue des socialistes, résulte précisément de ce qu'elle est libre. — À la vérité, le consommateur est obligé de rembourser au commerce ses frais de transports, de transbordements, de magasinage, de commission, etc.; mais dans quel système ne faut-il pas que celui qui mange le blé rembourse les frais qu'il faut faire pour qu'il soit à sa portée? Il y a de plus à payer la rémunération du service rendu; mais, quant à sa quotité, elle est réduite au minimum possible par la concurrence;

Ouais, sauf que dans les situations de monopole, le consommateur se fait berner.

#10

Le blé arrivé, le commerce a intérêt à le vendre au plus tôt pour éteindre ses risques, à réaliser ses fonds et recommencer s'il y a lieu. Dirigé par la comparaison des prix, il distribue les aliments sur toute la surface du pays, en commençant toujours par le point le plus cher, c'est-à-dire où le besoin se fait le plus sentir. Il n'est donc pas possible d'imaginer une organisation mieux calculée dans l'intérêt de ceux qui ont faim, et la beauté de cette organisation, inaperçue des socialistes, résulte précisément de ce qu'elle est libre.

Cela part du principe, erroné, que la population affamée a les moyens d'acheter le blé au prix fort. Bien au contraire: le système capitaliste et libéral actuel est fort content d'abandonner des populations entières à une mort certaine parce qu'elles n'ont pas les moyens financiers de se nourrir. Voir ce qui se passe régulièrement dans certains pays d'afrique en temps de grandes famines...

Donc, je suis d'accord avec Bastiat au niveau du principe, mais faut pas en faire un article absolu à observer quelles qu'en soit les conséquences, ce qui ne semble pas être son propos. Restons humains.

#11

VI. Les Intermédiaires

Que, selon l'invention socialiste, l'État se substitue au commerce, qu'arrivera-t-il? Je prie qu'on me signale où sera, pour le public, l'économie. Sera-t-elle dans le prix d'achat

(...)

Les socialistes qui ont inventé ces folies, et qui, aux jours de malheur, les soufflent dans l'esprit des masses, se décernent libéralement le titre d'hommes avancés, et ce n'est pas sans quelque danger que l'usage, ce tyran des langues, ratifie le mot et le jugement qu'il implique. Avancés! ceci suppose que ces messieurs ont la vue plus longue que le vulgaire; que leur seul tort est d'être trop en avant du siècle; et que si le temps n'est pas encore venu de supprimer certains services libres, prétendus parasites, la faute en est au public qui est en arrière du socialisme. En mon âme et conscience, c'est le contraire qui est vrai, et je ne sais à quel siècle barbare il faudrait remonter pour trouver, sur ce point, le niveau des connaissances socialistes.

Ici et ailleurs, Bastiat semble s'opposer aux mesures socialistes, préférant un système de toute évidence plus libéral. Je ne suis pas un spécialiste du 19ème siècle (au contraire, je suis plutôt ignare sur le sujet), donc je ne saurais juger ce passage dans le contexte économique et politique de l'époque.

Cependant, encore une fois au niveau du principe, je suis pour plus de libertés individuelles, y compris au niveau économique. Mais parfois, l'État est le mieux placé afin de garantir un service publique de qualité.

Je lisais aujourd'hui même un exemple qui va dans ce sens (extrait d'un blog américain):

She said every German irrespective of income went to the University free and thus has equal access to success. She even brought up privatization of public transportation and their post office. She said in Germany the postal service privatized & forced employees to work longer hours for the same pay as they cut services. She said when parts of the German transportation system was privatized the cleanliness and quality changed for the worse. In fact she said a European country she could not recall the name of took the transportation system out of the hand of private companies after their corner cutting infuriated the citizens. She is supposed to email that information. On a side note; we flew United Airlines. She asked me if it was a budget airline. I told her it was one of the biggest airlines in the country. I asked her why she asked and she said because of the poor service and dilapidated state of the plane. She said that it appeared like the plane that she pays twenty euros roundtrip when she flies from Germany to Spain, no frills or service.

http://www.dailykos.com/story/2012/03/06/1071723/-America-s-Problem-Iden...

#12

Il y a de plus à payer la rémunération du service rendu; mais, quant à sa quotité, elle est réduite au minimum possible par la concurrence;

Bien entendu, ceci est applicable quand la concurrence existe et quand les principaux compétiteurs ne se rallient pas pour fixer les prix (e.g. scandale de la lysine ("The Informant!") et celui du prix du RAM (pour les ordinateurs) dans les années 90.