Fiscalité écologique, finance et spéculation

Poursuivant mon effort de pédagogie, je poursuis les débats dans les forums politiques faisant de mon mieux pour expliquer certains points encore mal compris.

Un internaute m'affirmait:

La fiscalité écologique présente l'avantage de réduire peut-être la pollution mais elle est tout ce qu'il y a de plus antisociale car les activités qui rapportent le plus d'argent (finance par exemple) ne produisent guère de pollution.

Cette affirmation est fausse à plusieurs niveaux. D'abord il faut comprendre que les 3 enjeux couverts par ce site font un tout et que pour avoir les meilleurs résultats des progrès doivent être fait sur ces trois niveaux. On ne peut pas prendre en isolation un aspect sans considérer les effets complémentaires des autres aspects. Donc pour répondre pleinement à l'affirmation ci-dessus, on doit successivement voir le problème sous différents angles.

Avant d'aborder le problème de la haute finance, revenons à la fiscalité écologique ou plutôt à la situation actuelle qui ne connaît pratiquement aucune fiscalité écologique.

Nous avons déjà vu que au moins 82% des recettes fiscales de l'état proviennent de la taxe sur le travail. Quels sont les effets d'une telle fiscalité? Évidemment, cela rend la main d'oeuvre très chère et la consommation d'énergie et de matières premières comparativement bon marché. C'est ainsi que les machines outils ont supplanté les artisans. Les sites de production ont été dé-localisés dans des pays où la main d'oeuvre est bon marché, les frais énergétiques de transport étant bien moindres que l'économie réalisée sur les salaires. Au total, cette fiscalité perverse pousse les entreprises à diminuer la part du travail dans leur production, quitte à augmenter la part énergétique, d'exploitation de matières non renouvelables et la quantité de pollution.

Si on avait une vraie fiscalité écologique, le phénomène inverse se produirait. La part du travail, devenue moins chère, augmenterait; l'artisanat local reprendrait le dessus sur les usines dé-localisées; on utiliserait des pratiques riches en main d'oeuvre et non polluantes. Le travail reprendra le dessus vis à vis du capital qui était nécessaire pour financer les machines outils.

Instaurer une vraie fiscalité écologique est le deuxième des trois enjeux de la décennie pour notre société. Le premier enjeux est un partage équitable des profits au sein de la société. Le président Nicolas Sarkozy a fait de ce thème un sujet d'actualité en 2009. Malheureusement la solution qu'il proposait, un partage en trois tiers pour les actionnaires, les salariés et l'investissement, était la mauvaise. Une bien meilleure solution a été proposée par Jacques Lemaire dans un livre publié en 1976. Sans rentrer dans les détails de la formule, le partage se ferait en proportion de la part salariale et de la part du capital dans les dépenses de l'entreprise. Aussi, les employés de tous niveaux seraient représentés au conseil d'administration dans les mêmes proportions. Ainsi, une part salariale plus importante implique un pouvoir accrus pour les employés de s'auto-gérer. Nous reviendrons ailleurs sur les détails de ce premier enjeux. Disons simplement qu'un tel changement des rapports de force ne pourra s'appliquer que progressivement, de façon pragmatique et au départ sur la base du volontariat en créant un nouveau type de société.

Ce qui nous importe à ce stade, c'est que la fiscalité écologique devrait rendre la part belle aux salariés et aux artisans face à la dictature actuelle du capital.

Revenons donc maintenant à la finance. Dire que c'est une activité qui ne pollue pas est complètement faux.

D'abord la finance et la spéculation boursière ont pour base l'appât du gain possible du fait des dividendes distribuées par les entreprises sur chaque action. On peut le constater à chaque fois qu'une société est proche de faire faillite: la possibilité de gagner des dividendes devient alors quasiment nulle et le cours de l'action chute brutalement. Actuellement la spéculation boursière dépend des entreprises qui dépendent sur leur capacité de polluer et consommer de l'énergie afin de continuer à faire des profits et verser des dividendes. La finance et le sort de ces entreprises sont inter-dépendants.

Avec une fiscalité écologique, deux choses vont se passer vis à vis de la finance. Premièrement les entreprises polluantes seront moins profitables: leurs produits seront plus chers et moins compétitifs face à ceux artisanaux produits localement. Ces entreprises feront moins de profits, verseront moins de dividendes, leurs cours boursiers chuteront et les financiers feront moins de profits.

Secondement, les entreprises les moins polluantes seront celles qui utilisent moins d'énergie, moins de matières premières non renouvelables, moins de machines outils, mais plus de main d'oeuvre qualifiée. Typiquement, on peut s'attendre à ce que ces entreprises soient de petite taille: des ateliers d'artisans locaux. La part du salaire dans les dépenses sera plus grande que la part du capitale. Donc, d'un côté la plus grande part des profits seront reversés aux salariés et une moindre au capital, selon la méthode de Jacques Lemaire du partage des profits. De l'autre côté, la capacité d'auto-financement de ces petites structures sera souvent très accrue. Souvent les actionnaires seront les ouvriers eux-même.

Ainsi, la haute finance et les marchés spéculatifs seront en grande partie privés de participation dans les nouvelles entreprises les plus profitables, celles qui ont un impact écologique très faible ou nul.

On peut conclure que la fiscalité écologique, couplée à un partage équitable des profits, est celle qui sera le juste au niveau social. La grande finance et les spéculateurs verront leurs profits diminuer, bien que le capital aura toujours son rôle à jouer dans les entreprises de demain. Les écarts de richesse diminueront au profit de ceux qui font un "véritable" travail, utile à la société.

On finira là où on a commencé: ceci n'est qu'un aperçu d'un ensemble de réformes qui font un tout, trois enjeux qu'il faut le temps de comprendre et d'analyser afin d'en comprendre les véritables conséquences bénéfiques pour notre société.